Famille nomade en camion : Marie nous raconte!
Marie et sa famille font les saisons l’hiver en Suisse et vivent le reste de l’année en nomade dans un grand camion. Elle fait l’école à ses enfants lorsqu’ils sont sur les routes. Liberté, aventure, enrichissement, découverte, famille… Un mode de vie très loin du « métro-boulo-dodo »!
Présentez-vous, votre famille et votre mode de vie :
Nous sommes une famille avec 2 enfants : Marie, 37 ans, Boris 47 ans, Angelo, 7 ans et Lou, 6 ans. Je viens de Bretagne et mon mari de Marseilles.
Nous sommes saisonniers et nous vivons dans un camion aménagé.
Depuis quand menez-vous cette vie ? Qu’est-ce qui vous a amené à cette vie-là ?
J’ai acheté mon 1er camion en 2003, c’était pour partir en vacances avec des amis, je comptais le revendre ensuite. J’ai adoré. Du coup, ça a duré plus qu’un été. Je ne l’ai jamais revendu.
Depuis 2003, j’ai toujours vécu dans mon camion sauf pendant 2 ans, lors de la naissance de mes enfants. En effet, pendant cette période, j’ai voulu plus de confort.
Racontez-nous votre hébergement :
On vit dans un gros poids lourd aménagé. C’est un ancien camion de déménagement. On vit dedans quasiment à l’année. L’hiver, on fait des saisons. Donc généralement, on loue un logement dans la station de ski où on travaille. On apprécie avoir du chauffage et pouvoir se doucher plus régulièrement !
L’avantage de notre camion, c’est qu’il est très grand, on a chacun notre espace de vie. 1 chambre pour les enfants, 1 chambre pour nous, 1 salle de jeu, 1 salon… On est vraiment confortable !
L’inconvénient, c’est que, comme il est très gros, il consomme beaucoup d’essence et on ne passe pas partout. On ne peut plus sortir des sentiers battus comme on le faisait avant quand on avait des plus petits camions.
Quels métiers exercez-vous ?
Nous sommes tous les deux serveurs. Moi dans un restaurant et Boris travaille sur les pistes, ce qui permet de nous relayer pour garder les enfants car il finit à 17h et je commence à 17h. A côté de ça, j’ai commencé à faire du MLM, du marketing du réseau, justement pour arrêter les saisons et travailler tout en voyageant mais je n’en vis toujours pas.
Comment vos enfants vivent-ils cette vie ? Est-ce que ce mode de vie leur convient ?
Nos enfants sont très épanouis dans cette vie car ils voient pleins de choses. Il y a toujours des nouvelles activités à faire, des nouveaux paysages à voir, des nouveaux endroits à explorer… En tout cas, ils ne se sont jamais plaints de cette vie !
Quand on est en France, on fait l’école à la maison, ce qui nous permet de passer beaucoup de temps avec eux. Et quand on est en Suisse (car les saisons d’hiver, on est en Suisse), ils sont scolarisés de janvier à mars. Dans le canton de Suisse où nous sommes, nous ne pouvons pas faire l’école à la maison. Le grand est en 3 ème année et la petite en 2ème année. Là aussi ils sont très contents. Ils se sont bien adaptés. Ils ont des amis. Mais ils sont aussi très contents quand on s’en va et qu’on part voyager.
Racontez-nous l’école et vos enfants ! Est-ce qu’ils sont bons élèves à l’école ? Est-ce qu’ils aiment l’école ? (Selon votre situation : Est-ce qu’ils aiment avoir plusieurs écoles ? Est-ce qu’ils aiment que vous leur fassiez-vous-même l’école ? Qu’est-ce qu’ils préfèrent/détestent/voudraient modifier ?)
Ils sont plutôt bons élèves. Bon, ce sont mes enfants, je ne suis peut-être pas très objective ah ah !
Ils s’intéressent beaucoup à des choses pointues. L’avantage de faire l’école soi-même, c’est que si les enfants s’intéressent à un sujet en particulier, on peut creuser à fond le sujet et aller beaucoup plus loin que ce que le cadre de l’école demande. Ils sont donc plus poussés. Et je trouve ça très intéressant d’aller creuser des sujets qui les passionnent ! On peut même s’instruire avec eux et grâce à eux !
Je trouve aussi qu’il est plus facile de faire soi-même l’école à ses enfants car on les connait bien et on sait plus facilement comment les faire progresser. En tout cas, ils ne rechignent pas à travailler et le font même avec plaisir.
Après, on ne suit pas le programme. On fait une demi-heure, maximum une heure par jour. Quand on y pense ! Ça veut dire qu’il y a des semaines où on ne va faire qu’une ou deux heure de travail mais comme ça roule comme ça et qu’ils sont encore petits, on n’a pas vraiment de cadre et on ne suit pas de programme établi.
Quelles démarches administratives particulières à votre mode de vie ne faut-il pas oublier ?
Nos démarches administratives concernent surtout le changement de frontière entre la France et la Suisse : permis de travail, inscription pour l’école, trouver un travail pour l’hiver.
Dans l’autre sens, c’est-à-dire lors de passage de la Suisse à la France , il faut déclarer l’école à la maison en informant la Mairie et l’Inspection Académique.
Comment gérez-vous les activités sportives et culturelles de vos enfants ?
Ils ne sont inscrits dans aucun club. Le sport, c’est en famille ou avec les amis. Des balades, du vélo, on joue au ballon, à la pétanque…
Pareil pour les activités culturelles, cela n’est pas fait dans une association à l’année comme nous bougeons tout le temps. Difficile également d’aller à la bibliothèque. On compense en regardant des films choisis. Les enfants ont très peu accès aux écrans, et c’est toujours partagé en famille.
Par contre, nous sommes tous les deux musiciens, et on essaye au maximum de leur partager notre passion.
Dès que nous visitons un endroit, nous leur montrons également les choses intéressantes à voir. On reconnait pas contre que nous ne sommes pas très musée !
Comment socialisez-vous vos enfants ? Ont-ils beaucoup d’amis ? Les gardent-ils sur le long terme ?…
C’est une question qu’on nous pose très souvent !
En Suisse, nous y sommes depuis qu’ils sont nés alors ils ont les mêmes amis depuis la crèche.
Ils fréquentent également les enfants de nos amis qu’ils voient très régulièrement.
Ils ont peut-être moins d’amis que les autres enfants qui ont toujours vécu au même endroit mais ils ne donnent pas l’impression de s’ennuyer. Ils jouent aussi beaucoup tous les deux ensemble.
Combien de temps passez-vous en vacances ? Avec ou sans enfants ? Partez-vous à l’étranger dans le cadre de vos vacances ? Avec ou sans enfants ?
On travaille énormément l’hiver en saison en Suisse pendant 4 mois. L’été, on travaille entre 0 et 2 mois suivant l’hiver qu’on vient de passer. Donc nous sommes en vacances entre 6 et 8 mois par an.
Nous passons nos vacances en France en camion et également à l’étranger. Cet automne, j’espère qu’on pourra passer trois mois en Italie en attendant la prochaine saison hiver.
On aime également partir plus loin en mode « sac à dos ». On a fait une année au Maroc, 2 mois en Thaïlande et Vietnam en 2019. Cette année, on voulait partir deux mois au Mexique mais avec la situation actuelle liée à la Covid, on espère pouvoir remettre ça à l’année prochaine.
On se garde aussi toujours une semaine en amoureux. L’an dernier nous étions à Ténérife.
Nos enfants partent également avec leurs grands-parents la semaine de Noël et Nouvel An où nous sommes sans enfants mais travaillons beaucoup.
Pensez-vous que vous profiteriez plus de vos enfants en menant une vie plus classique ?
Je suis persuadée à 100% que je profiterais moins de mes enfants en menant une vie plus classique. Rien que le fait de faire l’école à la maison, on les a déjà 24h/24 et 7j/7 pendant plusieurs mois de l’année.
C’est vrai qu’il y a des moments où je ne les vois pas comme à Noël/ Nouvel An ou cet été où j’ai beaucoup travaillé : je ne les ai pas vu pendant 1 mois.
Mais à côté de ça, on passe beaucoup de temps ensemble et c’est d’ailleurs cela qui m’a motivé pour faire l’école à la maison. J’ai fait des enfants, c’est pour pouvoir profiter d’eux au maximum et le plus longtemps possible.
Est-il plus difficile de faire garder ses enfants quand on mène ce genre de vie?
Oui, je pense qu’il est plus difficile de faire garder ses enfants étant donné qu’on n’est jamais au même endroit, toujours loin de notre famille. On ne trouve pas facilement de babysitter quand on est sur les routes.
Quand on fait garder nos enfants, généralement c’est pour des longues périodes, dans des moments où on travaille beaucoup, douze heures par jour. Dans ces moments-là, ce sont les grands-parents qui prennent le relais et pour une longue période, souvent 1 mois
Donc oui, c’est plus difficile de les faire garder.
Pensez-vous que vous vous en sortiriez mieux financièrement en menant une vie plus classique ?
Je ne pense pas que je m’en sortirais mieux financièrement. Après, on travaille en Suisse donc les salaires sont bien supérieurs aux salaires français. Le fait de vivre en camion, on n’a pas de loyer, pas de facture d’électricité, pas de facture d’eau…
Après, un poids lourd coûte plus cher qu’un camping-car : pièces, main d’œuvre et consommation sont supérieures.
De plus, notre style de vie fait qu’on ne dépense pas beaucoup, on se contente de peu, on n’aime pas spécialement la mode vestimentaire, les belles voitures, les télévisions, les jeux vidéo…. Beaucoup de choses qui coûtent de l’argent !
Je ne sais pas si c’est lié au mode de vie. Je pense que des gens menant une vie plus classique peuvent aussi avoir une vie minimaliste.
En tout cas on arrive à s’en sortir financièrement sans travailler beaucoup et avec deux enfants.
Pensez-vous que vous avez un meilleur, un moins bon ou le même état de santé en menant cette vie ?
Je ne sais pas si notre mode de vie à un rapport avec notre santé. Ce qui est sûre c’est que je suis heureuse dans cette vie, mon conjoint et mes enfants également. Le mental joue sur la santé. Donc sûrement que cela joue quand même sur notre état de santé mais on peut également être très heureux en menant une vie classique donc je ne suis pas persuadée qu’il y ait un rapport.
Combien de temps passez-vous aux tâches ménagères et à l’intendance? Pensez-vous que vous y passeriez plus ou moins de temps en menant une vie plus classique ?
Je pense que plus on a une grande maison, plus on passe de temps au ménage. Donc forcément, dans le camion, le ménage est assez rapide. Après, comme c’est un petit espace, c’est plus rapidement le bazar donc il faut ranger plus souvent.
Ce qui est peut-être plus compliqué, ce sont les papiers : inscrire les enfants à l’école, à la garderie, trouver un logement, faire les demandes de permis, déclarer l’école à la maison… J’ai l’impression d’être tout le temps dans les papiers. Quand on a une vie plus lisse, une fois que les papiers sont faits, on n’a plus à les refaire alors qu’avec notre vie il faut tout le temps recommencer.
Qu’est-ce qui vous plaît dans cette façon de vivre ?
Beaucoup de choses !
Je suis quelqu’un qui s’ennuie très vite donc au bout de 2/3 mois je suis contente de partir d’un endroit, voir des nouvelles personnes, des nouvelles choses, des nouvelles façons de faire et de penser.
J’aime passer l’hiver à la montagne, il neige, on peut faire du ski. J’aime être l’été au soleil, au bord de la mer.
J’aime la liberté que j’ai l’impression d’avoir.
Et je sais que je ne suis pas faite pour un mode de vie sédentaire, je n’y arrive. On a essayé plusieurs fois mais au bout de quelques mois on commence à tourner en rond et ça ne va plus, on sent qu’on a besoin de partir ailleurs, de bouger. Je ne pourrais pas vivre autrement !
Qu’est-ce qui vous déplaît dans cette façon de vivre ? Est-ce qu’il y a des choses qui vous manquent ?
Ce qui me déplaît, je ne vois pas. Par contre il y a une chose qui me manque, c’est de ne pas pouvoir suivre assidument un cours de danse, de yoga ou autre. Je ne vois rien d’autre qui me manque, là, maintenant, mais je peux y réfléchir. (Non, n’y réfléchis pas trop, pourquoi trouver ? !)
Dans 10 ans, pensez-vous que vous mènerez toujours ce mode de vie ? Qu’en disent vos enfants ? Est-ce qu’eux-mêmes voudront mener cette vie quand ils seront adultes ?
Alors dans 10 ans… Bonne question ! On est en train d’y réfléchir tous les deux. On se dit qu’on vieillit. Qu’on ne va peut-être pas faire toute notre vie comme cela.
Maintenant, ce qui me fait peur, c’est de me poser quelque part, de m’ennuyer et de me sentir prisonnière. Donc pour l’instant, on continue.
Les enfants sont contents comme cela. Peut-être qu’ils voudront se poser dans 2/3 ans, aller à l’école, peut-être qu’ils en auront marre de sans cesse changer d’endroits. Donc on s’est dit qu’on ne leur imposera pas notre mode de vie. Si eux veulent se poser, alors on se posera, on prendra une petite maison à la campagne et puis voilà !
Mais pour l’instant ça roule comme ça alors tout pendant que ce mode de vie convient à toute la famille, on continue, et on ne sait pas jusqu’à quand.
Comment envisagez-vous votre retraite ?
Je n’en aurai pas. Quand j’y pense, ça m’angoisse vraiment car je ne sais pas vraiment de quoi je pourrais vivre. Mais c’est une question à laquelle nous sommes en train de réfléchir : comment va-t-on faire ? qu’est-ce qu’on achète ? où ? quoi ?
Récemment on pensait faire une « colocation de vieux » avec des amis.
Après, on sait qu’il y a pleins d’autres personnes qui travailleront toute leur vie et n’auront pas de retraite donc on verra. C’est une vraie interrogation.
Et si c’était à refaire ? Feriez-vous la même chose ? Qu’est-ce que vous changeriez ?
Si c’était à refaire, je referai presque tout pareil. Je ne regrette pas la vie que j’ai. Je suis très contente de ma situation.
Quand je discute avec des copines qui ont des boulots peut-être plus intéressants que le mien (oui, je ne suis pas vraiment épanouie dans mon travail), hé bien finalement elles galèrent financièrement plus que moi et sur pleins d’autres choses. Quand elles me voient arriver avec mon camion et ma famille, elles m’envient vraiment. Et je vois qu’il y a dans les yeux des gens beaucoup qui aimeraient faire ça.
La seule chose que je changerais, c’est de mettre de l’argent de côté dès mes premiers salaires afin d’acheter un bien immobilier à mettre en location. Je regrette de ne pas avoir investi dans l’immobilier très rapidement.
Quels conseils donneriez-vous à une famille qui souhaiterait mener ce genre de fonctionnement ?
Ce mode de vie en camion ou en camping-car est de plus en plus à la mode. Après, ce n’est pas toujours facile, il faut être fait pour ça mais si on n’essaye pas on ne peut pas le savoir. Il y a des moments qui sont forcément plus difficiles car on est dans un espace réduit et des fois on aime bien avoir un peu d’intimité. Mais si on sent dans ses tripes qu’on n’est pas heureux dans la vie qu’on mène, il faut se jeter à l’eau et essayer, parce que c’est vraiment super !
Merci à Marie pour son témoignage très complet et inspirant. Et vous? Vous seriez prêts à mener ce genre de vie? Parlez-en dans les commentaires!
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