La pêche aux cailloux, Maupiti, juillet 2024
Ce matin, toute l’île est réveillée au son du te’ore dès 4 heures du matin. C’est un pick-up bâché qui fait le tour de l’île au ralenti avec, dans sa benne, les percussionistes et leurs instruments. Deux tours même, pour être sûr que tout le monde l’ait bien entendu et se lève. En effet, aujourd’hui est un grand jour. C’est la pêche aux cailloux. Cette pêche ancestrale n’a plus lieu que tous les dix ans. Et nous avons la chance d’être sur Maupiti quand cette pêche a lieu. Tout l’île s’y prépare depuis plusieurs mois, ne serait-ce que pour tisser les immenses filets de pêche (3 km de long) uniquement faits de végétaux. Un sacré boulot !
Comme notre petit déjeuner n’est servi « qu’à » 5h30, après le son du te’ore, on somnole un peu avant de se lever.
Il fait encore nuit lorsque nous nous levons et le soleil se lève lentement le temps que nous déjeunons.
A 6h30, nous sommes au départ des taxi-boat. En effet, la pêche aux cailloux se déroule sur un motu, c’est the place to be pour assister à cette manifestation.
La plupart des bateaux sont ornés de végétaux.
Rendus sur le motu en face, vu le monde attendu, on réserve directement notre repas pour le midi. On a à peine le temps de faire le tour du secteur que la pêche aux cailloux se prépare.
Alors, que j’explique un peu cette technique de pêche ancestrale et originaire de Bora-Bora il me semble.
Tout d’abord, on parle de pêche aux cailloux car il faut avoir une pierre reliée à une corde pour frapper l’eau avec celle ci. Il ne faut pas lâcher la corde! Il faut récupérer sa pierre et frapper l’eau en continu. L’idée, c’est de faire peur aux poissons et de les regrouper en un seul et même lieu. Certains ont vraiment des pierres très lourdes!
Pour ce faire, il s’agit de faire deux lignes de bateaux entre la terre principale et les motus autours. Ces deux lignes de bateaux sont très espacées au départ et doivent se rapprocher au fur et à mesure pour rabattre les poissons vers un entonnoir constitué de ces fameux kilomètres de filets végétaux. Ces filets, qui ne vont pas jusqu’au fond de l’eau, doivent être tenus par tout le reste de la population. Le filet sert plus à faire une grosse masse énorme qui doit effrayer le poisson et ainsi l’empêcher de sortir de l’entonnoir1. Une fois que les bateaux ont rabattu le poisson vers l’entonnoir, toutes les personnes qui tiennent le filet doivent se rapprocher pour encercler les poissons.
Aujourd’hui, on nous explique que seulement 2 poissons seront pris, les plus gros, pour offrir au Maire, et que tous les autres seront relâchés. L’idée, c’est vraiment de ne pas oublier cette pratique ancestrale. Pas de vider le lagon de ses poissons.
Dès 8h20, nous sommes invités à entrer dans l’eau pour nous placer le long des filets. La météo n’est pas avec nous, il fait tout gris, avec un peu de vent. On trouve aussi l’eau très froide. Chatounette est en sweat, on insiste un peu pour qu’elle nous rejoigne, car ce n’est pas tous les jours qu’elle va pouvoir vivre un tel événement. Mais une fois dans l’eau, lorsqu’on apprend qu’on va devoir y rester plus de deux, on la laisse retourner se réchauffer sur la plage. Je suis moi-même frigorifiée. Et avec le froid, j’ai des crampes aux orteils et sous la voûte plantaire. Cela ne fait pourtant que 20 minutes que je suis dans l’eau. Je ne vais jamais tenir 2 heures ! Mais j’ai trop envie d’y participer alors je résiste.
Nous sommes vraiment nombreux mais notre voisine de filet nous apprend qu’il y avait encore plus de monde à la dernière pêche aux cailloux, en 2014. L’ambiance est incroyable. Il y a pas mal d’étrangers, mais la grosse majorité des participants est polynésienne et plus précisément de Maupiti.
Une fois que les filets sont bien tenus par les participants, les pieux qui les tenaient sont retirés et deux grands feux sont allumés sur des motus environnants. C’est le signal pour que les bateaux, divisés en deux camps en fonction de leur « ville », commencent à avancer pour ramener les poissons vers l’entonnoir.
Ils partent de très loin du filet et s’approchent doucement, en rang d’oignons. À partir d’une certaine distance, on voit les gerbes d’eau des cailloux qui frappent l’eau. C’est impressionnant à voir.
Dès que les deux lignes de bateaux se rejoignent, deux gros bateaux déversent les filets supplémentaires pour fermer l’entonnoir et doubler l’épaisseur du filet. C’est à nous de jouer! Nous devons nous rapprocher du centre de l’entonnoir pouis nous diriger vers la plage. C’est là qu’on comprend mieux pourquoi les enfants de moins de 13 ans étaient interdits. Cela crée un gros courant et on a vite fait de s’emmêler les pieds dans les filets.
Je sens un gros poisson me filer entre les jambes. Mince, un de moins!
La partie du filet que nous tenions, Chaton et moi, est dorénavant sur la plage. On assiste à la fin des manœuvres depuis le motu, enfin au chaud!
L’étau se resserre petit à petit. Lorsque le filet ne fait plus qu’un « petit » cercle, on ne comprend plus bien ce qu’il se passe. Ce qui est sûr c’est qu’on s’attendait à voir les poissons frétiller mais on ne voit rien de cela. Ça parle en Tahitien. Ça rigole. Miss Tahiti 2024, Miss Tahiti 2023 et Miss Heiva sont là, au milieu du cercle. On mettra du temps à comprendre que nous n’avons pas pêché le moindre poisson, hormis trois sirènes… Quel échec ! Tout ça pour ça ! Enfin ça nous fait bien rigoler ! C’était incroyable à vivre ! Quelle ambiance de folie. Il y avait les caméras, les drones professionnels qui tournaient au dessus de nos têtes, un nombre impressionnant de bateaux et de participants. Mais tout ça pour ne pas attraper la moindre friture.
La foule se disperse alors sur le motu pour déjeuner. Mais on n’a pas le temps de finir notre plat que la pluie se mêle à la partie. On se trouve un abri de fortune. Mais là encore, toujours pas le temps de finir notre assiette que nous devons bouger : notre taxi-boat est là, il faut rentrer. En même temps, tout le monde rentre et on commençait à avoir de nouveau froid.
De retour au camping, la quinzaine de campeurs que nous sommes se pose tranquillou sur les différentes terrasses. La pluie n’a duré que cinq minutes mais le ciel est toujours gris.
J’interroge le capitaine du Maupiti Express qui vit ici : « pourquoi avons-nous échoué ? ». Il a plusieurs explications : en juillet, il y a moins de poissons, la mer était haute, la houle était forte, il y a moins de poissons dans le lagon que dans le temps, le Maire était présent et cela fait deux fois qu’il vient, deux fois qu’ils ne pêchent aucun poissons…
1 : rectificatif, les filets n’allaient pas au fond de l’eau car c’était marée haute, mais normalement ils doivent toucher le fond.
Vers 17 heures, je tente une sieste mais n’y parviens pas. Et à 18 heures, il est temps de nous préparer pour rejoindre la suite des festivités. Danses polynésiennes des enfants, puis des Miss, discours de différentes personnalités politiques puis feu d’artifice. Vue la petite taille de l’île, je m’étais attendu à 3 pétards et point barre alors je suis agréablement surprise. C’est peut être pour ça que cette pêche aux cailloux n’a plus lieu que tous les dix ans : ça coûte trop cher en feu d’artifice !
On voulait ensuite diner sur place dans l’une des nombreuses roulottes mais il y a un buffet gratuit. Pourquoi se priver! On s’est régalé ! On a goûté pleins de trucs qu’on ne connaissait pas. Chatounette est aux anges, elle me raconte fièrement qu’à un moment donné elle avait trois parts de gâteau au chocot dans les mains.
On comptait ensuite danser mais sûrement qu’il est trop tôt. Il y a pourtant des chanteurs et des musiciens mais tout le monde est affairé, soit à manger, soit à serrer des mains et faire des photos pour les personnalités publiques.
Nous retournons au camping où nous ne traînons pas trop avant d’aller nous coucher.
Depuis la tente, on entend parfaitement la musique, mais visiblement, ça ne dérange ni Chaton qui roupille déjà.
Allez, au lit, demain on rentre sur Tahiti, snif!
PS : certaines photos ne sont pas de moi mais de TNTV Tahiti Nui Télévision.
Pratique
Logement Maupiti : Haranai Camping & Tours : camping avec prêt de matériel, également des chambres dans leur maison. 2 douches dont une avec eau chaude. Cuisine très bien équipée. Situé sur l’île, et pas sur un motu, au pied de la randonnée du sommet de Maupiti, à 2 pas du site des pétroglyphes et du Palais de la mer. Famille festive. Transfert depuis le port gratuit. En période de pêche aux cailloux : 3.500 Francs par personne, petit-déjeuner inclus avec sa propre tente. On a pu négocier un prix mais chuuttt! Whatsapp : +689 87 21 60 36 Page Facebook